J’ai récemment proposé un nouveau marketing mix avec le concept des “4M”. L’article du “HBR The Most Successful Brands Focus on Users — Not Buyers” me semble faire particulièrement écho à ce nouveau concept. Je vous en propose donc ici une retranscription relativement libre. L’article original est disponible ici et a été rédigé par Mark Bonchek et Vivek Bapat.

Qu'est-ce qu'une marque performante à l'ère du digital ?

Qu’est-ce qui fait la réussite d’une marque à l’ère numérique ?

Une étude conjointe de SAP, Siegel+Gale et Shift Thinking suggère que les pure players ne se limitent pas à faire les choses différemment, elles pensent différemment ! Alors que les entreprises traditionnelles cherchent à ancrer leurs marques dans l’esprit de leurs clients, les pure players s’attachent à rendre leurs marques utiles dans la vie de leurs clients. Ils ne considèrent pas ainsi leurs cibles comme des clients potentiels mais comme des usagers. Leurs investissements s’orientent alors essentiellement sur la satisfaction du client et à l’advocacy plus que sur la promotion avant-vente et la vente elle-même.

L’étude a été conduite auprès de 5 000 consommateurs américains. Ils ont été interrogés sur 50 entreprises traditionnelles et pure players autour de leurs perceptions, usages, préférences ainsi que sur leurs rôles en tant qu’ambassadeurs.

Des différences marquées ont émergé entre les entreprises traditionnelles et les pure players. Entre deux marques concurrentes sur un même secteur, la marque traditionnelle jouit d’une meilleure note en termes de notoriété, tandis que le pure player l’emporte chaque fois qu’il s’agit de répondre à l’affirmation suivante : “ça me rend la vie plus facile” :

  • Airbnb vs. Hilton/Marriott
  • Dollar Shave vs. Gillette
  • Red Bull vs. Coca-Cola
  • Venmo vs. American Express/Visa
  • Tesla vs. BMW

La manière dont les personnes sont exposées aux marques est également très différente. Tandis que les entreprises traditionnelles sont visibles essentiellement à travers la publicité et les médias classiques, les pure players le sont via les médias sociaux et le bouche à oreille.

Marques commerciales versus marques d’usages : la battle !

Nous pouvons ainsi regrouper les marques en deux catégories : “les marques dites commerciales et les marques orientées vers l’usage”.

Les marques commerciales mettent la vente au cœur de leurs processus. Les marques d’usage préfèrent inscrire la valeur de l’utilisation de leurs produits au centre de leurs préoccupations. Le département de maquillage d’un grand magasin va chercher à vous faire acheter ses produits avec des échantillons et des maquilleuses professionnelles. Tandis qu’une marque d’usage préférera fournir gratuitement des conseils autour du maquillage et de ses thématiques annexes (beauté, santé, alimentation…) et favoriser les échanges entre les utilisateurs/trices au sein d’une communauté afin que vous vous sentiez parfaitement autonome dans le choix et l’usage des produits proposés.

Les marques commerciales mettent l’accent sur la communication et les promotions, tandis que les marques d’usage préféreront favoriser l’advocacy et le bouche à oreille.

Les marques commerciales se concentrent sur ce qu’elles disent à leurs cibles. Les marques d’usage s’intéressent essentiellement à ce que les clients se disent entre eux à propos de ses produits. Un hôtel traditionnel mettra en avant ses propres photos et son argumentaire commercial. Airbnb favorisera les notations, le photos et les commentaires de ses utilisateurs.

Les marques commerciales essaient de maîtriser ce que les gens perçoivent de la marque tout au long de leur parcours d’achat. Les marques d’usage influencent la façon dont les gens perçoivent la marque à chaque point de contact. Les Apple Stores sont un exemple de ce changement : suppression d’une zone de caisses et mise en avant du Genius Bar, de l’assistance et du conseil. Là où les magasins traditionnels se concentrent sur la vente, les Apple Stores cherchent à favoriser l’expérience.

Il serait pourtant trop réducteur de dire que les marques commerciales sont des marques traditionnelles et les marques d’usage des marques pure players. Certaines marques traditionnelles ont su transformer tout ou partie de leur business modèle pour se concentrer sur la valeur d’usage plus que sur les aspects purement commerciaux de la relation client. C’est souvent la nature de leurs produits, leur culture ou leur modèle qui les ont amenées à considérer les clients moins comme des acheteurs ponctuels et plus comme des utilisateurs ou des membres avec qui il fallait instaurer une relation continue.

La différence entre les marques commerciales et les marques d’usage peut être matérialisée au travers des “moments de vérité” (moments of truth), pierre angulaire de la conception de l’expérience client. Les marques commerciales se concentrent sur les moments de vérité qui conduisent à la transaction, tandis que les marques d’usage se concentreront sur les moments de vérité post transaction (livraison, service client, advocacy…).

Les marques d’usage plus performantes

Les marques d’usage sont plus performantes car mieux adaptées à l’ère digitale. Les clients font en effet preuve d’une plus grande fidélité aux marques d’usage qu’aux marques commerciales. Ils sont également plus prompts à recommander spontanément les marques d’usage. Enfin, ils démontrent une nette préférence aux marques d’usage en acceptant de payer un prix plus élevé pour le même type de prestation.

Les entreprises commerciales qui souhaitent se transformer grâce aux technologies digitales doivent faire évoluer leur relation clients pour passer du modèle de l’achat à celui de l’usage. Elles doivent alors repenser de fond en comble leur stratégie, leur organisation, leurs investissements ainsi que leurs indicateurs de performance.

Dans la plupart des entreprises le marketing est orienté sur l’offre et cherche ainsi à soutenir les activités commerciales de leur organisation. Au sein des marques d’usage, le marketing est au cœur de l’entreprise car la marque et l’expérience utilisateur qu’elle propose ne font plus qu’un. Le marketing de la valeur l’emporte sur le reste. Le produit n’est plus suffisant pour porter seul le bénéfice client. Les marques qui réussissent transcendent leurs offres en dépassant leur relation purement commerciale avec leurs cibles pour leur proposer une relation qui porte un vrai bénéfice pour elles. Dans le premier cas, le service commercial prime, dans le second c’est le marketing qui est aux commandes. Pour prendre un exemple concret, dans les entreprises traditionnelles, le support client et les actions de fidélisation ne sont que des conséquences de la vente. Les activités liées au service client sont presque vues comme une contrainte (elles sont parfois même sous-traitées à des opérateurs tiers). Les campagnes marketing, la génération de leads, les activités commerciales priment sur le reste. Chez les pure players, c’est tout le contraire, le support client et la fidélisation sont prioritaires car ils sont vus comme des vecteurs essentiels à la génération de business. En d’autres termes, ils articulent leur marketing autour de la valeur, du risque et de la facilitation.

Le rôle et les investissements publicitaires sont également le reflet de cette transformation. Dans le modèle traditionnel, les marques utilisent la publicité pour tenter que leurs cibles aient une perception d’elles qui soient à la fois positive et différente de celle de leurs concurrents. Chez les acteurs digitalisés la publicité sera essentiellement utilisée pour prouver à leurs cibles que leurs offres peuvent leur être utiles dans leur vie quotidienne. La publicité devient ici un contenu qui est utile pour le client (content marketing) ou qui lui délivre une expérience positive (brand content). Le message devient alors “regardez, nous nous rendons utiles avant même que vous ne dépensiez de l’argent chez nous. Alors imaginez ce que nous pourrions vous apporter si vous devenez client !”.

Les indicateurs clés de performance sont également le reflet des différences entre les entreprises traditionnelles et celles qui s’orientent vers l’usage. Pour les premières, l’impression est l’indicateur principal, pour les secondes l’engagement prime sur tout le reste. Elles prennent ainsi en considération des interactions qui ne sont pas nécessairement liées au tunnel de conversion. Est-ce que l’audience apprécie nos contenus même s’il ne s’agit pas forcément de clients. Est-ce que les gens parlent spontanément de notre marque ? Le earned media s’avère finalement plus précieux que le owned media pour les marques d’usage. Et de ce fait, la notoriété cède le pas sur l’expérience réellement délivrée.

Les marques qui proposent des offres sur abonnements ou les marques B2B qui évoluent généralement sur des cycles relativement longs ont tout intérêt à délivrer de la valeur en dehors du parcours d’achat. C’est l’expérience réelle qui conditionnera le renouvellement de l’abonnement et/ou la fidélité auprès de nos fournisseurs en B2B. Pour les acteurs B2C, ce qui compte aujourd’hui n’est pas tant les efforts qu’ils opèrent pour gagner en notoriété mais ceux qui leur permettent de satisfaire leurs clients qui ne manqueront pas de partager leurs expériences positives sur les canaux digitaux, contribuant ainsi à susciter l’envie ou à diminuer la perception du risque chez d’autres consommateurs potentiels.

Le passage d’un modèle “commercial” vers un modèle basé sur “l’usage” nécessite de revoir intégralement le rapport que l’on entretien avec ses cibles. C’est là encore une formidable opportunité pour les marketeurs de reprendre le lead sur les enjeux de la transformation digitale. Je le soulignais dans mon précédent article, le marketing est insidieusement devenu une sous fonction des commerciaux. En pensant “usage” et donc en cherchant à positionner leur marque comme un élément utile dans la vie de leurs clients, les marketeurs accompagneront cette adaptation nécessaire. La grille de “4 M” peuvent les aider dans cette quête.

En se posant ces 4 questions :

  • est-ce que l’usage de mon produit ou service est simple (marketing de la facilitation – ex : Amazon) ?
  • est-ce que ma marque apporte vraiment de la valeur aux “usagers” (marketing de la valeur ex : Google) ?
  • est-ce que la perception du risque est limitée (marketing du risque – ex : Genius Bar d’Apple)
  • est-ce que ma marque sait s’adapter au moment du client (marketing du moment – on n’impose plus à ses cibles le timing de ses campagnes publicitaires, mais on cherche à construire une relation continue à l’aide de contenus intéressants – ex : RedBull)

on obtient une grille qui sert de guide !

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