Alors qu’un directeur général reste en poste cinq ans en moyenne, la “durée de vie” d’un CMO dans une grande société aux USA ne serait que de deux ans !
Cette statistique est surprenante alors même que la fonction marketing est probablement l’une des plus importantes pour conduire la transformation digitale. On ne peut donc que se demander si les CMO ne subissent pas cette transformation plus qu’ils ne la pilotent ?
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Au contact des entreprises, j’en suis progressivement arrivé à la conclusion que le marketing est devenu une sous-fonction du service commercial ainsi qu’une fonction d’ajustement pour les DAF. Elle devrait être clé dans l’entreprise mais en grossissant le trait, elle s’est insidieusement transformée en une fonction d’assistanat pour les commerciaux.
C’est elle qui devrait mener la danse et pourtant elle reste moins considérée que la direction commerciale.
Je ne suis pas le seul à effectuer ce constat puisqu’en 2012 déjà, le président de l’école de commerce IMD pronostiquait la mort du directeur marketing : « les CMO ont de moins en moins de pouvoir et se retrouvent en marge des processus de prise de décision ».
Il expliquait cette situation notamment par l’influence croissante des responsables financiers et la confusion qui entoure la définition même du marketing.
Quel est le problème avec le marketing ?
Comment le marketing en est-il arrivé à une telle situation ? Est-ce que le CMO ne s’est pas laissé finalement enfermer et griser par tout un tas de concepts novateurs (marketing automation, big data, employee advocacy, IA…) tout en s’éloignant de sa mission principale ?
Alors que beaucoup de marketeurs sont en mesure de donner la définition des dernières nouveautés marketing, combien d’entre eux sont capables de définir précisément ce qu’est le marketing aujourd’hui ?
La majorité des entreprises et leurs marketeurs considèrent que la finalité est la vente alors que cette dernière n’est qu’une résultante de la satisfaction de leurs cibles et/ou de la confiance qu’elles accordent dans les pratiques de l’entreprise.
Il n’y a pas de vente si le prospect n’est pas satisfait de sa relation avec la marque.
Il n’y a pas de confiance si d’autres clients témoignent une insatisfaction, notamment sur les “canaux digitaux sociaux”.
Et c’est bien là le problème.
Malgré la transformation digitale, le marketing reste encore trop focalisé sur l’offre et ne se préoccupe pas encore suffisamment de la satisfaction des cibles visées.
En d’autres termes, nous pouvons dire que les marketeurs restent dépendants de leurs fameux 4P.
Les 4P sont depuis longtemps morts et enterrés, oubliez-les !
Pour mémoire, le marketing mix traditionnel est représenté par les 4P : Produit, Prix, Place (les canaux de distribution), Promotion.
À travers les variables du marketing mix, l’entreprise était essentiellement focalisée sur elle-même, le client avait finalement peu de place.
Pourquoi cela fonctionnait ? Tout simplement parce que le produit avait par le passé une réelle importance. Imaginez votre grand-mère découvrant la première publicité pour un lave-vaisselle !
La publicité pouvait se contenter de montrer le produit, le consommateur construisait son propre imaginaire (“c’est génial, je vais pouvoir aller au cinéma avec mes copines plutôt que faire la vaisselle”).
Le produit en lui-même faisait rêver. Les marques pouvaient s’appuyer sur les 4P.
Mais voilà, quelques décennies plus tard, nous sommes entrés dans une ère de satiété, la concurrence s’est exacerbée, la différenciation produit s’est amoindrie. Nous voyons bien que dans cette situation, la seule dimension produit n’est plus suffisante.
L’innovation peut être une réponse. Mais cette dernière est par définition relativement rare et, même si elle permet de se différencier, elle ne donne plus un avantage concurrentiel aussi fort que par le passé car la concurrence est désormais très réactive.
Prenez l’exemple de l’iPhone, moins d’un an après sa sortie (9 janvier 2007), les premiers concurrents apparaissaient déjà…
La conclusion s’impose : le produit, même innovant, n’est plus suffisant pour garantir un succès commercial sur le long terme.
Un autre aspect, plus spécifiquement lié à l’émergence du numérique, est la pression publicitaire qui s’est considérablement accélérée ces dernières années, rendant cette dernière plus intrusive que jamais. Il n’a jamais été aussi facile, même pour une petite société, de lancer sa campagne d’email marketing ou d’Adwords par exemple.
Cette pression est arrivée à un paroxysme et le taux très élevé d’adoption des adblockers est un exemple qui nous montre la défiance croissante des consommateurs vis-à-vis de cette forme de communication.
Un nouveau marketing mix : les 4M
Pour toutes ces raisons, les 4P ont muté en 4C où le P de “Produit” devient le C de “CLIENT” ; le “Prix” devient le “COÛT” ; les canaux de distribution sont remplacés par la “COMMODITÉ d’achat” et la Promotion se transforme en “COMMUNICATION”.
Ce concept date de 1990 et s’avère adapté à l’ère du digital. Pourquoi n’est-il finalement pas plus efficace que cela ?
Je n’ai pas de véritable explication si ce n’est que ce mix marketing cantonne probablement encore trop le marketeur dans un rôle technique. Elle figerait la réflexion du marketeur alors qu’il faudrait au contraire y ajouter de l’incertitude, une capacité d’adaptation et en faire une vision au service de la stratégie d’entreprise.
J’adhère parfaitement à la réflexion de Laurent Maruani, professeur émérite de Marketing à HEC Paris, qui dit que le digital opère une véritable inversion des inconnues : “pendant longtemps, le marketing consistait à vendre des choses certaines à des clients incertains. Le digital fait que l’on vend à des personnes connues des choses incertaines”.
C’est une véritable rupture.
On comprend alors que le marketing doit avoir pour priorités la valeur, la gestion du temps et du risque client.
C’est pour Laurent Maruani le triptyque qui doit composer la nouvelle grille de lecture du marketeur. J’adhère totalement à cette dernière, mais je lui ajoute une quatrième dimension qui est celle de la facilitation client. En partant de ce quatuor (valeur, risque, temps et facilitation), nous pouvons définir un nouveau marketing mix : les “4 M”.
1er M => Le Marketing de la valeur : en partant du postulat que le produit ou service n’est aujourd’hui plus suffisant pour porter seul une valeur aux yeux du client (rappelez-vous nous vivons dans un monde de satiété et d’hyper-concurrence), le marketeur doit proposer à ses cibles un positionnement qui transcende très largement l’offre commerciale.
Là où les marques pouvaient par le passé se contenter de proposer un bénéfice fonctionnel, elles doivent aujourd’hui y ajouter un bénéfice émotionnel ou utilitaire, voire sociétal.
Prenez l’exemple Red Bull. Le bénéfice fonctionnel de cette marque est la création de boissons énergisantes. Le bénéfice émotionnel est l’écosystème de contenus proposés autour d’exploits sportifs. Connectez-vous sur leur site Web, vous ne trouverez pas une seule image de canette Red Bull !
2ème M => Le Marketing du risque : tout achat comporte un risque. En B2C (“ce Paris-Brest me paraît fort bon, mais il va me faire grossir”) ou en B2B (“si je rate le déploiement du futur CRM de mon entreprise, je vais me faire virer”) le risque comporte une dimension objective et subjective.
Le rôle du marketeur est de diminuer la perception de ce risque. Le cas d’Amazon est un exemple parfait. Cette entreprise a été l’une des premières à nous convaincre, par ses pratiques très sécurisantes (simplicité de la commande, livraison rapide, service client irréprochable, et retour simplifié des articles non souhaités), que l’achat sur Internet n’était pas risqué.
3ème M => Le Marketing du moment client : les marketeurs qui organisent leurs actions autour de campagnes souvent orchestrées lors de grands marronniers vont imposer leur timing à leurs cibles.
Si votre campagne se déroule au mois de décembre mais que vos cibles s’intéressent à vous au mois de janvier, nous voyons bien que votre prise de parole a été orchestrée trop tôt. Le marketeur n’a donc plus d’autre choix que de s’inscrire dans le temps du client.
Le marketing du moment client est crucial non pas pour rendre le message meilleur mais pour optimiser son acceptabilité. Le digital a introduit un autre rapport au temps, un autre rapport à l’instantanéité de la solution, les marketeurs doivent s’y adapter.
4ème M => Le Marketing de la facilitation : le digital a été massivement adopté parce qu’il nous simplifie la vie.
Il y a certes des effets négatifs que nous pouvons regretter, mais force est de constater que nous sommes tous de plus en plus massivement utilisateurs de nos smartphones, d’IoT, d’IA en tout genre parce que nous estimons que la simplification que ces technologies nous apportent reste supérieure à leurs désagréments.
Nous attendons donc des marques qu’elles fluidifient leur relation client, qu’elle nous facilitent le plus possible nos parcours d’achats et qu’elles nous fassent totalement oublier leur organisation interne souvent complexe. Si je souhaite m’adresser à elles sur Facebook, elles doivent être en mesure de me répondre.
Si je décide de passer par leur site Web pour acheter leurs produits, cela doit être faisable sans encombre. Si je veux retourner un article dans un point de vente, cela ne devrait pas poser de problème.
Les marques qui transposent leur complexité sur le digital n’ont pas compris le digital. Le marketing de la facilitation est un axe essentiel pour les marketeurs qui souhaitent être en mesure de satisfaire leurs cibles. J’ai récemment vécu une expérience négative dans ce domaine.
Puisque certains acteurs ont su simplifier la vie des clients, ces derniers ne comprennent plus que d’autres n’y arrivent pas.
Vous n’avez plus le choix, le marketing de la facilitation est primordial et constitue une vraie différenciation pour les marques qui le pratiquent efficacement.
Ce marketing des 4M constitue donc à mon sens une grille parfaite qui permet de valider ses choix stratégiques et opérationnels. Il devrait être une obsession chez tous les marketeurs. Le reste ne représente que des « boîtes à outils », certes nécessaires mais ce ne sont pas elles qui doivent dicter les actions marketing.
J’en arrive donc à la conclusion suivante : soit le marketing devient une fonction purement opérationnelle et technique principalement au service des commerciaux, soit il adopte cette nouvelle grille de lecture et il redeviendra alors stratégique pour l’entreprise.
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